Les jeunes Tunisiens et l'éducation sexuelle

Publié le par scorangel

Qu'on ne se méprenne pas, l'éducation sexuelle n'est pas apparentée à la pornographie.
L'éducation sexuelle, ce n'est pas comment on fait, mais voilà l'anatomie, la physiologie, voilà la biologie, voilà la psychologie, voilà la société avec ses us et coutumes, voilà les précautions et voilà les risques liés à la santé sexuelle et à la reproduction. Voilà aussi qui consulter en cas de besoin de conseil et de nécessité de traitement.


L'éducation sexuelle s'adresse à tout le monde, de l'adolescence à la vieillesse. Des problèmes de santé sexuelle, il y en a à tous les paliers de la vie.
« L'éducation sexuelle précoce n'incite pas à la pratique sexuelle précoce », c'est l'OMS qui l'a dit, après de nombreuses études dans plusieurs pays.

Une bonne éducation sexuelle évite les grossesses non désirées, les interruptions volontaires de grossesse, les maladies sexuellement transmissibles dont le sida, les risques de stérilité, les traumatismes psychoaffectifs, les violences sexuelles, les violences de genre, les drames familiaux, les infanticides, les suicides

L'abstinence ne peut pas résoudre la question de l'éducation sexuelle. Car l'éducation sexuelle ne se résume pas à la sexualité, mais contribue à l'équilibre qui aboutit à une bonne santé mentale et physique.

A Tunis, du côté des cliniques, hôpitaux et autres structures spécialisées, voilà quelques exemples de ce qu'on peut voir dans les services de gynécologie.

-Abir a 20 ans et 2 mois, elle est étudiante en 2ème année, et elle porte le khimar. Depuis quelques jours elle est prise en charge en milieu spécialisé pour trouble de l'attention, difficulté de concentration, tristesse excessive, mauvais résultats scolaires et infection génitale. Il s'est avéré que la dépression latente et l'infection génitale avaient la même cause. Le fiancé (peut-être était-il barbu !) obligeait sa future épouse à avoir des rapports sexuels. La jeune étudiante est complètement désorientée, partagée entre le dégoût, la dévalorisation de soi et l'envie de disparaître. Pratique très courante, nous dit-elle, dans le milieu étudiant «barbu/voilée».

-Esma, 23 ans, une étudiante en 3ème année dans une prestigieuse école, se demande comment elle est tombée enceinte alors qu'elle n'a eu que des rapports superficiels : «Personne ne m'a forcée à faire ce que j'ai fait, c'est parce que j'en avais envie », nous dit-elle. A la question de savoir si elle regrette ce qu'elle a fait, elle répond : « J'aurais aimé être informée et me protéger ».

-Le comble, c'est cette étudiante en paramédical qui « n'était pas sûre qu'on risquait une grossesse après le 14ème jour du cycle ». Elle l'a appris à ses dépens. « Dans ma discipline on fait très peu de gynécologie, et je n'ai jamais parlé de ça avec qui que ce soit ». Elle a à peine 20 ans.

...L'expérience est traumatisante pour toutes ces jeunes, à telle enseigne que quand on leur demande quel moyen contraceptif elles comptent prendre, elles répondent toutes : l'abstinence. Pourtant les récidivistes d'IVG existent.


Dans le cadre de la formation continue dispensée aux médecins de la Santé publique, l'orateur parle des problèmes de santé de la reproduction rencontrés par les jeunes et des différentes méthodes mises à la disposition des praticiens pour leur venir en aide (pilule abortive, pilule du lendemain, prise en charge psychologique, éducation sexuelle. Soudain un médecin femme interrompt la communication pour dire : « Dites-moi, nous sommes dans une société musulmane ou je rêve ? », et tout de suite un autre confrère renchérit : «Mais vous les encouragez en leur facilitant tout ».
L'orateur leur a demandé leur conduite à tenir en cas de viol ou d'inceste. La pilule du lendemain s'impose, pour éviter des catastrophes.


Les chiffres officiels confirment les inquiétudes du médecin.
Les viols et les incestes sont fréquents (un viol et un inceste sur cent consultations jeunes)
Les MST (maladies sexuellement transmissibles) représentent plus de 65% des motifs de consultations chez les jeunes.
La grossesse non désirée touche Mademoiselle tout le monde
Lors d'un séminaire médical à Tunis, le Dr X, chef de service de gynéco-obstétrique s'alarme du nombre croissant de grossesses non désirées chez les jeunes filles, quel que soit le milieu socio-culturel.

Il fut un temps où les grossesses non désirées touchaient les très jeunes filles à peine sorties de l'adolescence, ou ces malheureuses employées de maison abusées par leurs patrons mâles ou par d'hypothétiques fiancés.
Aujourd'hui le profil a changé, c'est un peu la fille de Monsieur tout le monde (elle peut être instruite ou non, il n'y a aucune différence statistique), dans la tranche d'âge des 20 à 25 ans.
Elle manque d'éducation sexuelle, c'est sûr, mais elle est à la recherche de ce partenaire qui tarde à venir.

Si en 1984 l'âge du mariage était 24 ans pour les filles et 27 ans pour les garçons, en 2005 il est de 29 ans pour les filles et 33 ans pour les garçons.
Quand on arrive à la trentaine et qu'on est célibataire, c'est le corps qui parle plus que la raison. Et si l'on est mal informé, on ne va pas comprendre son corps, et on ne va pas vivre en harmonie avec sa sexualité et sa société.




 

Publié dans Sida en Tunisie:

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